Murakami. De la course au mouton sauvage au 1Q84

sheepCe roman est daté de 1982 quand Murakami commençait à se faire connaitre en France mais jouissait déjà d’une large reconnaissance japonaise ainsi que internationale. Toutes les caractéristiques de son écriture sont lisibles dans ce texte de fiction entre le fantastique, la psychologie et l’avventure.

A la sortie du roman certains trouvent flagrante l’influence de la littérature contemporaine américaine sur l’écriture de Murakami. Aujourd’hui est largement diffusé l’opinion qu’il est un auteur japonais de littérature américaine et, encore moins flattant : de « culture » consommatrice. Lors que les chercheurs tendent à expliquer avec la pop culture le succès d’un des auteurs japonais le plus vendus au monde, il ne faut pas oublier que dans les années ’80 il était très hautement apprécié par toute l’élite littéraire.

Tous les grands écrivains ont trouvé des repaires dans les grands écrivains qui leur précédaient. Souvent ils ont entrepris le chemin de l’écriture après des traductions et des découvertes de l’œuvre de quelqu’un qui leur a donné les ailes. Pour Murakami c’étaient Fitzgerald et Capote. Il est dommage de découvrir l’œuvre de Murakami seulement à travers ces analogies.

La course au mouton sauvage est un roman-fable amusant et absurde, frais et jeun. Ces œuvres suivants commenceront à signaler des prétentions philosophiques, connaissance de la nature humaine et prévisions sombres sur ce qu’elle va devenir. Mais non La course au mouton sauvage. Un des talents de Murakami est de tisser des atmosphères bizarres, dans des mondes surréels et de gagner toute la confiance du lecteur pour l’emporter. Ici aussi, c’est plus le parcours que le final qui compte. Même si Murakami s’inspire ouvertement de la culture occidentale il pose ses situations avec tellement de franchise que peut choquer quelqu’un habitué à la finesse et le langage voilé de la prose occidentale. Un homme habillé en mouton ne peut que faire sourire ou frémir, rappelant peut être David Lynch mais pas Proust malgré le respect que Murakami nourrit pour ce dernier.

Dans ce premiers temps le vin français et la musique britannique ne sont pas encore devenus surexploités dans ses textes et on les accepte avec tolérance. Le chianti et tous les produits occidentaux, chers et apparemment symbole de lux en Japon sont énumérés pas toujours selon les règles du bon gout. Mais encore, ce n’est pas grave, il y en a d’autre qui fait apprécier les histoires magiques de Murakami.

C’est justement pour ça que 30 ans plus tard la sortie de 1Q84 se relève une surprise. C’est comme si il y avait beaucoup à dire mais au cours du chemin tout a perdu du sens. 1Q84 est la reprise de La course au mouton sauvage mais développé en XXL. Dans l’un c’est un mouton, dans l’autre c’est une chèvre qui cache des pouvoirs surnaturels. Des petits hommes qu’en sont derrière, mais pas beaucoup de plus pour nous suggérer le pourquoi du tout. Beaucoup de phrases inspirant aux aphorismes mais sans les devenir pour autant.

Du coup, lisez le mouton, il contient plus d’émotion et d’originalité dans 300 pages de ce que nous propose la chèvre dans les 800 pages de 1Q84.


Le passage de la nuit

1Q84

1Q84 de Murakami a été attendu avec impatience par les amateurs de son œuvre.

Tengo3 volumes, annoncés par les sites littéraires et culturels come l’œuvre qui, à ce jour rassemble tout le génie de Murakami.

Effectivement le clin d’œil à Orwell (“1984”) annonce les ambitions d’un regard subtil et perspicace envers la réalité lointaine mais aussi actuelle. Dans un reflet en miroir, un monde parallèle se désigne mais seulement partiellement, sans nous donner les vrais astuces pour comprendre les forces qui le mobilisent.

L’incantesimo de Murakami s’est évaporé dans ces innombrables pages comme l’éléphant d’un de ses jeunes récits. C’était quelque chose de grand et fort, imposant.

Un lecteur frappé par la vérité existentielle grâce à des œuvres comme La fin du temps, Le passage de la nuit ou Kafka sur le rivage devrait peut être s’arrêter là et simplement garder l’énergie de ces rayons de fantaisie qui illuminent la réalité dans laquelle nous vivons. Parce que cette lumière, le lecteur ne la trouvera pas dans 1Q84. Comme si cette fois, le monde parallèle a été minutieusement calculé en tant que décor, qui ensuite s’est transformé en personnage principal, mais qui entretemps a perdu son âme. Le dernier mot de la dernière page du dernier volume lu, les questions restent largement ouvertes, la confusion est totale et le sens investi dans la foulée de personnages magiques demeure un mystère. Ceci, suite à la bonne volonté d’être un lecteur constant dans le voyage de plus de 1600 pages, pas forcement autant légères à franchir comme les œuvres précédentes de Murakami.

Quand même, quelques idées fascinantes, quelques images perturbantes et des réflexions sur le(s) monde(s) sont un résultat à reconnaitre à cet auteur de fables pour adultes.Aomame 1Q84