Contes de Languedoc-Roussillon. Le berger Jean de las cabras

Il était une fois un vieux berger qui possédait un grand troupeau de chèvres et de moutons dans un petit village aux maisons de tuiles rouges. Il faisait paître son troupeau dans les vertes plaines qui entouraient le village et dont les herbages avaient un goût de sel car le village était très proche de la Grande Bleue.

Jean, était un vieux monsieur plein d’expérience et qui vivait avec ses moutons dans une grande bergerie aux confins du village. C’était un homme très pieux qui aimait à chanter de cantiques en l’honneur de Dieu, le soir à ses brebis dans la bergerie. Peut être pensait-il les protéger car il était lui aussi « le bon pasteur de son troupeau » !

Il était parfois accompagné par Jacques  un petit enfant de la famille qui l’aidait à garder son grand troupeau avec ses deux chiens Trompette et Clairon  .L’été lorsque le soleil brûlait les plaines et les champs, il avait l’habitude d’effectuer une transhumance avec son troupeau vers les montagnes pyrénéennes toutes  proches. Ce séjour montagnard était très bénéfique pour ses bêtes car pendant quelques mois elles ne mangeaient que de la bonne herbe grasse et verte car en altitude la température était plus clémente et surtout plus fraîche. A la fin de l’été, il redescendait de ses montagnes  pour passer l’hiver plus chaudement dans son village du midi tout encore brûlant des mois d’été. Il arrivait à la fin des vendanges des vignes si bien qu’il flottait dans l’air des effluves de raisins écrasés, donnant une ambiance de fête dans toute la région. Les vignes étant vendangées, les bergers étaient autorisés à pénétrer dans le vignoble afin que le troupeau puisse se délecter des dernières grappes de bon raisin laissés à la vendange parce qu’elles n’étaient pas encore assez mûres pour en faire du bon vin.

Tout allait ainsi très bien pour Jean de la Cabras il aimait ses bêtes par dessus tout, il les soignait, il aidait les brebis à mettre bas et veillait à la bonne santé de ses moutons et chèvres. Il traire ses chèvres pour boire le bon lait sucré et parfumé par les raisins ou au goût d’herbes salées, il faisait aussi de bons fromages qu’il vendait au marché du village.

Un jour qu’il était dans ses montagnes pyrénéennes, le troupeau paissant librement en altitude sous la garde de trompette et clairon ,on entendit des aboiements furieux et une galopade gigantesque dans toute la montagne.

Jean de las Cabras se précipita pour voir ce qu’il s’était passé et il vit avec horreur deux brebis égorgées au milieu d’un près d’herbe bien verte.

Il comprit tout de suite ce qu’il s’était passé !on lui avait raconté qu’un énorme loup, venu d’on ne sais où, probablement des forêts espagnoles, rodait dans les parages. Cependant comme Jean venait tous les ans dans les parages il n’y avait pas prêté attention. Il se dit furieux que cela n’arrivera plus. Je vais enfermer mes brebis dans le parc la nuit sous la garde de mes deux chiens fidèles. Ainsi fut fait et pendant quelques semaines plus de problème !plus de loup celui-ci avait dû partir ailleurs. Jean décida de relâcher ses brebis dans la montagne, en liberté, afin qu’elles profitent de la bonne herbe bien apétissante. Des jours passérent tranquillement sous un climat très doux on arrivait à la fin de l’été.

Un matin cependant mauvaise nouvelle, Jean accourt et trouve à nouveau deux moutons égorgés ! « Ah ! ca suffit maintenant » dit-il je vais régler le problème moi-même. Il décida de tendre un piège au loup. Il creusa une grande fosse, grande comme son chalet de montagne appuyé à une paroi rocheuse. Il recouvrit sa fosse de branchages et d’herbe afin de cacher cette fosse, on ne voyait pas la différence avec le sol naturel !

Il attacha à un piquet sa plus belle biquette afin qu’elle serve d’appât au loup. La pauvrette, toute seule, attachée à son piquet pleurait et bêlait sur sa corde pour tenter de s’échapper mais n’y parvenait pas. Elle cria tant qu’elle finit par attirer le loup tout heureux de cette aubaine, de croquer enfin une belle biquette!

Le voilà avançant en catimini vers sa proie qui pleurait de plus belle sentant le danger qui la menaçait. Le loup énorme, la gueule ouverte, les dents saillantes, les canines proéminentes, la langue pendante et les yeux de braise, se tassa sur lui-même prêt à bondir.

Soudain, il jaillit d’un bon gigantesque, s’envola vers la chevrette mais au moment d’atterrir à côté d’elle pour la dévorer, le sol lui manqua, et sous son poids les branchages cédèrent et le loup traversa le sol pour se retrouver quelques mètres plus bas au fond de la fosse. Il a essayé vainement de grimper pour ressortir du piège mais les parois verticales ne lui permettaient pas de planter ses énormes griffes dans le roc.
Il se fatigua ainsi jusqu’au matin et la pauvre chevrette qui c’était évanouie de peur reprenait petit à petit ses esprits. Le jour s’était levé quand Jean vins voir si son piège avait fonctionné, et quelle ne fut pas sa joie de voir le loup au fond du trou ! Je lui dis : « tu vois, tu te croyais malin ! eh bien te voilà bien puni et tu vas rester là pour purger ta peine ! »
Le loup furieux avait bien voulu attaquer les gens mais il était unpuissant.

Jean décida d’humilier cette assassin de brebis afin de lui donner une bonne leçon. Il fit défiler les brebis et les chèvres toute la journée pendant le reste de son séjour à la montagne au bord de la fosse.

Les brebis se moquaient « ´bé ´bé l’idiot’ béééé’ tu es bien malin dans le trou ´bé ». Le loup affamé s’afaiblissait et devenait triste d’être moqué de la sorte par les brebis. Jean venait tous les jours le soir et lui faisait la leçon lui demandant s’il n’avait pas honte de s’attaquer à ses pauvres brebis sans défense ! Trompette et Clairon le menaçaient de lui arracher la peau s’il ressortait du trou !
À la fin de l’estive, le loup complètement abattu demanda grâce à Jean et s’excusa auprès du troupeau d’avoir été un méchant prédateur et prétextant qu’il avait très faim et que lui aussi avait une famille à nourrir.

Jean, après avoir concerté ses chiens et son troupeau, décida de faire grâce au loup. Après lui avoir fait une dernière fois la leçon en le menaçant d’être moins clément la prochaine fois, il descendait une échelle dans la fosse pour permettre au loup de sortir.


Une fois dehors, accompagné par Jean et ses chiens, il fut condamné à traverser tout le troupeau, tout penaud qui se moquait de lui. Le loup s’enfonça dans la forêt et l’on entendit plus parler de lui. Tout maigre, il était certainement retourné en Espagne où il a dû raconter sa mésaventure car on ne revit plus aucun loup dans la région. Jean rentra chez lui avec son troupeau et tout le monde fut très heureux de retrouver la bergerie bien chaude pour l’hiver qui se profilait.


Tric trac mon count es acabat.

de Jean-Claude Rodella

Contes de Languedoc-Roussillon

Je travaille depuis quelque mois sur un recueil de très beaux contes écrits par Jean-Claude Rodella, qui a mis dedans la sagesse des paysans et la magie de la nature de sa région Languedoc-Roussillon. C’est avec grand plaisir que je découvre ces fables et j’en partagerai dans les semaines prochaines quelque image ici.

Murakami. De la course au mouton sauvage au 1Q84

sheepCe roman est daté de 1982 quand Murakami commençait à se faire connaitre en France mais jouissait déjà d’une large reconnaissance japonaise ainsi que internationale. Toutes les caractéristiques de son écriture sont lisibles dans ce texte de fiction entre le fantastique, la psychologie et l’avventure.

A la sortie du roman certains trouvent flagrante l’influence de la littérature contemporaine américaine sur l’écriture de Murakami. Aujourd’hui est largement diffusé l’opinion qu’il est un auteur japonais de littérature américaine et, encore moins flattant : de « culture » consommatrice. Lors que les chercheurs tendent à expliquer avec la pop culture le succès d’un des auteurs japonais le plus vendus au monde, il ne faut pas oublier que dans les années ’80 il était très hautement apprécié par toute l’élite littéraire.

Tous les grands écrivains ont trouvé des repaires dans les grands écrivains qui leur précédaient. Souvent ils ont entrepris le chemin de l’écriture après des traductions et des découvertes de l’œuvre de quelqu’un qui leur a donné les ailes. Pour Murakami c’étaient Fitzgerald et Capote. Il est dommage de découvrir l’œuvre de Murakami seulement à travers ces analogies.

La course au mouton sauvage est un roman-fable amusant et absurde, frais et jeun. Ces œuvres suivants commenceront à signaler des prétentions philosophiques, connaissance de la nature humaine et prévisions sombres sur ce qu’elle va devenir. Mais non La course au mouton sauvage. Un des talents de Murakami est de tisser des atmosphères bizarres, dans des mondes surréels et de gagner toute la confiance du lecteur pour l’emporter. Ici aussi, c’est plus le parcours que le final qui compte. Même si Murakami s’inspire ouvertement de la culture occidentale il pose ses situations avec tellement de franchise que peut choquer quelqu’un habitué à la finesse et le langage voilé de la prose occidentale. Un homme habillé en mouton ne peut que faire sourire ou frémir, rappelant peut être David Lynch mais pas Proust malgré le respect que Murakami nourrit pour ce dernier.

Dans ce premiers temps le vin français et la musique britannique ne sont pas encore devenus surexploités dans ses textes et on les accepte avec tolérance. Le chianti et tous les produits occidentaux, chers et apparemment symbole de lux en Japon sont énumérés pas toujours selon les règles du bon gout. Mais encore, ce n’est pas grave, il y en a d’autre qui fait apprécier les histoires magiques de Murakami.

C’est justement pour ça que 30 ans plus tard la sortie de 1Q84 se relève une surprise. C’est comme si il y avait beaucoup à dire mais au cours du chemin tout a perdu du sens. 1Q84 est la reprise de La course au mouton sauvage mais développé en XXL. Dans l’un c’est un mouton, dans l’autre c’est une chèvre qui cache des pouvoirs surnaturels. Des petits hommes qu’en sont derrière, mais pas beaucoup de plus pour nous suggérer le pourquoi du tout. Beaucoup de phrases inspirant aux aphorismes mais sans les devenir pour autant.

Du coup, lisez le mouton, il contient plus d’émotion et d’originalité dans 300 pages de ce que nous propose la chèvre dans les 800 pages de 1Q84.


Le passage de la nuit