Faut-il redire que ces « événements » ont causé des cas mortels qui pourraient remplir un entier village ?
Une épidémie du virus du SIDA dans les années ’80, ’90 dans la province chinoise Henan
Le nombre des victimes n’a jamais été officiellement déclaré mais ils ne sont pas moins de dizaines de milliers
Le SIDA “c’est une maladie comme beaucoup d’autres, par exemple les maladies cardiaques…”

GU Changwei est un homme fin, de gestes mesurés et de présence sobre. A la fin de la projection de l’Amour Eternel il écoute avec modestie l’introduction du modérateur sur son œuvre et personne. « Une figure clef de la cinématographie chinoise ». Des films comme Le Paon et And the Spring Commes ont surement laissé une trace dans la vision sur la société chinoise, franques et avec des sujets peu conventionnels. Sa sensibilité visuelle se manifeste encore antérieurement, alors qu’il est directeur de la photographie pour Adieu, ma concubine (CHEN Kaige), Les Démons à ma porte (ZHANG Yimou) ouQiu Ju, une femme chinoise (JIANG Wen). Un artiste, qui a toujours su comment utiliser les armes du cinéma pour contester et exprimer son avis.
Voici pourquoi son dernier film Amour Eternel (Love for Life ou encore Life is a Miracle) laisse ceux qui le connaissent perplexes. Il est difficile d’y retrouver l’ardeur de And the Spring Commes. A leur place une mélodrame théâtrale avec des stars de la scène chinoise qui devraient adoucir une vérité qui dérange depuis plus de vingt ans les gouvernants chinois.
Les faits.
Love for Life. Comme souvent dans la République Démocratique de Chine les faits sont un concept peu constant et très flou. Les quand, combien, pourquoi ne se posent pas toujours et reçoivent des réponses variables selon l’officiosité de la source.
Il s’agit, cette fois-ci, d’une épidémie du virus du SIDA dans les années ’80, ’90 dans la province chinoise Henan. Le nombre des victimes n’a jamais été officiellement déclaré mais ils ne sont pas moins de dizaines de milliers. Le drame est survenu suite à la vente de sang des paysans, sans aucun control et précaution pour les donneurs auxquels était réinjecté un mélange de sang et proteines une fois le prélèvement fait. Une catastrophe qui est passée sans des conséquences pour les coupables, mais surtout, qui était emblématique pour les problèmes dans les provinces pauvres et “l’ignorance” de l’état. Apparemment le pouvoir considérait le SIDA une preuve de sa défaite ce qui fait que les autorités chinoises ont, jusqu’aux 2000 déclaré quasi inexistante la maladie sur leur territoires.
Ainsi GU, appuié par le gouvernement et le ministère de la santé chinois, commence son projet pour illustrer les faits.
Le rencontre.
Les lumières s’allument après une comédie romantique, mélodramatique. Si l’ironie avait trouvé place là-dedans l’utilisation de l’humeur aurait été plus que judicieux. Mais ce n’est pas le cas. La gravité du sujet a été plutôt étouffée que étoffée. La résponsabilité de la tragedie est entierement portée par le mechant du film- un entrepreneur du village. Pas de questionnements, pas de critiques, pas de faits qui dérangent.
On attend les questions. Le public est composé principalement de chinois. Les journalistes français n’auront pas l’opportunité de faire des entretiens individuels parce que la presse chinoise a réservé le planning de Gu. Elle est aussi présente dans la salle. Toutes les questions sont donc faites en chinois pour en suite être traduites.
Plusieurs mots gentils sur le combat avec cette maladie, le fait qu’il faut en parler dans la société. Remerciements aux stars qui ont interprété les rôles principaux – Zhang Ziyi et Aaron Kwok. Remerciements aussi, à plusieurs reprises, aux autorités grâce auxquelles ce film est devenu réalité.


Et alors une question étonnante en chinois :
Spectateur : Est-ce que les événements decrits ont vraiment eu lieu à Henan (la province en question) ?
(Faut-il redire que ces « événements » ont causé des cas mortels qui pourraient remplir un entier village ? Dans les média occidentaux les informations débordent. Mais ce n’est apparemment pas le cas dans ceux en Chine, même si un des motifs pour que les autorités soient si favorables au film était, justement une opinion publique contestataire. ndr)
La réponse est positive : Oui, dans les ‘80- ‘90 il y a eu en effet ce problème (tout petit- ndr). L’ignorance des paysans, le besoin d’argent, ce sont les causes du « problème ».
Journaliste (français) : Le choix de présenter l’histoire avec de l’humeur était il motivé par la difficulté du sujet, pour faire passer plus facilement ce sujet sensible ?
NON. Parler d’une maladie est un sujet grave, que ça soit fait avec humeur ou pas. C’est une maladie comme beaucoup d’autres, par exemple les maladies cardiaques. Dans ce cadre le soutien du Ministère de la Santé a été très précieux. (Si l’on ne l’a pas encore retenu).
Quoi d’autre dire, a part que les autorités chinoises ont apparemment voulu soutenir ce projet jusqu’au but, au point de s’assurer que tout ce que dira l’artiste devant le public parisien (surtout quand il inclut des immigrés chinois) sera bien en conformité avec leur bonne volonté ?
GU Changwei a réussi cependant de faire passer un message : c’est le documentaire, un making off du film, sur 4 séropositifs du village, sont vrai travail personnel sur le sujet. Ce documentaire, passé un peu entre les lignes restera inaccessible en France. Mais au moins, cette fois-ci il n’est pas censuré en Chine. C’est peut être grâce au sacrifice artistique que l’auteur a offert à la Mère Chine avec son Love for Life.
A voir :
Le reve du village des Ding roman de Yan Lianke. C’est le texte sur lequel est basé Love forLife. Yan Lianke est un des scénaristes.
Black Blood réalisé par Miaoyan Zhang et censuré en Chine raconte l’histoire d’un de ces vendeurs de sang. D’une approche tout à fait différente le film illustre la fragilité des paysans, la complexité du contexte, les limites dilues entre coupable et victime.
Malheureusement le titre du documentaire réalisé pour accompagner le film n’a pas été révélé lors de la conférence ou trouvé dans d’autres sources. Nous remercions par avance si quelqu’un saurait bien fournir le titre de ce film.